Les paysages de Baneins comme ceux de l’ensemble du territoire français ont fortement évolué ces dernières décennies. Nous n’en mesurons pas toujours l’importance en vivant leurs transformations au jour le jour, mais on peut dire que des mutations sans précédents à cette échelle de temps (Quelques dizaines d’années) ont eu lieu. Les modifications vécues par l’agriculture sont essentielles dans ces changements de cadre de vie ou l’urbanisme mais aussi la forêt et les grandes parcelles de culture gagnent sans cesse du terrain.
Pour bien comprendre l’évolution de ces paysages, prenons quelques chiffres significatifs :
Selon les données du ministère de l’agriculture, la France comptait en 1955, 2,3 millions d’exploitations agricoles. En 2010, la France ne compte plus que 515 000 exploitations agricoles dont 490 000 en métropole en sachant que leur nombre s’est réduit de plus de la moitié durant les deux dernières décennies pour les petites et moyennes exploitations. Baneins est bien entendu dans cette tendance : en 1950 on y comptait une cinquantaine d’exploitations agricoles ; on comprend donc aisément que la majorité des habitants de la commune vivaient de la terre. Si on remonte à 1911 on comptait alors 125 agriculteurs sur les 145 électeurs de la commune. Aujourd’hui, il ne reste que cinq exploitations qui travaillent sur la commune : trois céréalières, une laitière et une qui associe production de céréales et de viande. Néanmoins Baneins demeure une commune à dominante agricole comme le montre sa population active liée au secteur Primaire (agricole) : 19.1 % contre 3 % de moyenne nationale et 2,7 % en Rhône Alpes.
Cette évolution globale s’explique par plusieurs facteurs : après la Seconde Guerre mondiale, il fallait nourrir la population qui vécu encore de longue années avec des tickets de rationnement, on a aussi voulu diversifier et augmenter la nourriture. Il a donc fallu intensifier les productions agricoles. Pour ce faire plusieurs choses se sont conjuguées en particulier dans les années 50.
Le choix des semences avec par exemple l’arrivée du maïs hybride qui va rapidement remplacer le maïs de pays en raison de rendements bien meilleurs.
La mécanisation qui se développe, tracteurs, batteuses et autres matériels permettent aux agriculteurs de produire avec une moindre peine, plus et plus vite, tout en limitant drastiquement la main d’œuvre.
Les progrès de la recherche agronomique avec la « chimie verte » : les engrais et les produits phytosanitaires ou encore la génétique, qui sélectionne les semences et les races animales. Toutes ces évolutions feront que les rendements (dans notre région) ne cesseront jusqu’à nos jours d’évoluer à la hausse. Par exemple entre 1950 et 2014, les rendements de blé sont passés de 35 quintaux à l’hectare à 90, le maïs de 60 à 100 quintaux, et la production d’une vache laitière de 3500 litres à 8500 litres par an.
En parallèle de ces changements techniques ce qui modifiera le plus notre paysage rural durant cette période est sans aucun conteste le remembrement des terre agricoles, qui a eu lieu en 1969.
Qu’est-ce que le remembrement ? C’est tout simplement le fait de regrouper des parcelles
diffuses, souvent de petites tailles, afin de créer un parcellaire plus important et plus cohérent en matière d’exploitation agricole (taille adaptée à la mécanisation, accès et entretien facilités, meilleure cohérence des propriétés…).
Résultat : des parcelles plus grandes, des fossés créés pour favoriser l’écoulement des eaux et la mise en place des réseaux de drainages. L’arrachage de nombreuses haies, et la quasi disparition des petites parcelles de vigne et de verger jusque là très présentes. Avant le remembrement peu de parcelles dépassaient les 5 ha, de nos jours il n’est pas rare d’avoir des parcelles d’une quinzaine d’ha, ce qui reste petit comparé aux plaines céréalières.
Le remembrement a été très controversé, avec des histoires rocambolesques. Imaginez à l’époque prendre la terre du grand père pour la céder au voisin, cette terre familiale que l’on estime la meilleure du département à ce voisin à qui parfois on ne parle qu’à peine, il est arrivé que les fusils sortent des placards et les tensions ont été âpres y compris à Baneins pour mener à bien cette révolution verte.
Suite à tous ces chamboulements on peut dresser un bilan de l’évolution des pratiques culturales en Dombes.
En 1950 : on cultivait : La vigne, le seigle, l’avoine, l’orge, le blé, le maïs de pays.
En 1960 : Le maïs hybride prend la place du maïs de pays et on voit l’apparition du colza, dans le même temps avec la mécanisation les chevaux se font rares et on abandonne peu à peu l’avoine. Le blé prend le pas sur le seigle moins intéressant en rendement et en valeur boulangère. L’orge se maintient du fait de ses qualités pour l’alimentation animale.
Dans les années 80 : le soja et le tournesol font leur apparition.
Aujourd’hui, les cultures sont dans la majeure partie des cas concentrées sur : le blé, l’orge, le maïs, le colza, le soja, le tournesol. Et parfois les pois (pour le fourrage).
Dans le même temps le nombre d’élevages laitiers et allaitants a considérablement diminué et cela continue, avec dans le même temps un accroissement important de leur taille. En 1950 le cheptel moyen était sans doute d’une quinzaine de bovins et encore ! Aujourd’hui on doit être proche d’une cinquantaine par éleveur, cette baisse du nombre d’élevages a entrainé une chute importante des surfaces en prairie ; ce phénomène est très marqué en plaine de l’Ain et commence vraiment à inquiéter en Dombes.
On dit que les agriculteurs de la Dombes délaissent les prairies au profit des cultures et notamment de la monoculture du maïs, contre laquelle certains voudraient lutter. Mais face à cette uniformisation des productions et du paysage agricole, le problème semble tout autre. Si l’on veut retrouver le bocage d’entant en Dombes un des axes à développer est le maintien de l’élevage.
Certaines mesures cherchent à mettre en place des actions qui permettront en partie de sauvegarder nos espaces agricoles, comme les subventions allouées pour replanter des haies avec des essences locales, ou encore la lutte contre le mitage urbain (constructions anarchiques en dehors des villages). Ce fléau, combiné à un second encore plus grand que sont les aménagements grandissants de zones résidentielles, commerciales et industrielles (il suffit de voir ce qui se fait autour des grandes villes proches de chez nous), consomme la surface d’un département français tous les 7 ans ! Soit une perte de surface agricole de 26 m² toutes les secondes en France ! Il faut ajouter à cela l’aide apportée par le délaissement de terres au profit de la forêt avec la disparition d’exploitations agricoles, en particulier en moyenne montagne.
Espérons que le parc naturel régional se mettra en place et préservera encore mieux nos paysages déjà fortement transformés. Ils forment l’identité d’un territoire particulier où différents espaces se côtoient, à l’interface de la Dombes, de la Bresse et du Val de Saône.
Yves Dehecq /Jean Pierre GRANGE